nuée bleue #ill_F3

« Les hommes qui habitent la terre doivent aussi habiter l’air. […] Il est le milieu même qui rend l’interaction possible. Sans l’air les oiseaux dégringoleraient du ciel, les végétaux faneraient et les hommes étoufferaient. […] ce milieu est une condition à l’interaction, il s’ensuit que la qualité de cette interaction est tempérée par ce qui se passe dans le milieu - à savoir par le climat. En ce sens, le climat ne concerne pas seulement l’acclimatement, mais aussi le mélange. Chaque fois que nous inspirons et expirons, l’air se mélange à nos tissus corporels – il emplit nos poumons et oxygène le sang. […] non pas comme une créature hybride, mais comme une créature tempérée. En un mot le temps qu’il fait est ‘’le tempérament même de notre être’’. De même qu’il est aussi protéiforme, indiscipliné et aberrant. Comme la vie elle-même, le temps ne peut pas être contenu. […] Pensée comme un espace, l’atmosphère est, selon Böhme, ‘’colorée’’ par les radiations ou les extases des choses qui se répandent dans l’environnement affectif. […] l’atmosphère n’est ni subjective ni objective mais entre les deux, entre les qualités environnementales et les états humains. Ce qui ne signifie pas qu’elle est totalement vague : ce n’est pas une vapeur dans laquelle on pourrait mettre les choses et les êtres. C’est au contraire dans la conjonction des personnes et des choses que naît l’atmosphère : sans être objective, elle est inhérente à la qualité des choses ; sans être subjective, elle appartient aux êtres sentant. » (Ingold, 2017, pp. 227-231) | « Les champs du voir, de l'entendre, du sentir sont autant de terrains d'enquête qui telles des fouilles archéologiques nous éclairent sur les propriétés de matières physique (brut ou artefact) comme sur ce qui se tisse dans l'association d'agents (manipulateur-objet, par exemple) : des tropismes, des actions contingentes, des interactions sont listées, énoncées - des facultés productives, cognitives et désirantes du sujet humain ou non-humain. Elles contribuent à faire grandir la connaissance de l'étendue des interactions (de leur cadre et conditions d'exercice) : un réseau d'interagissements se laisse entrevoir à partir duquel des jeux d'isolements ou de mise en présence peuvent être pratiqués, de focus ou de d'éloignements, un théâtre. Ce sont tout autant de récits perspectifs, de codes mimétiques, de référentialité non distinctes des expérimentations : un chevauchement entre expérimentations et inventions avec sciences de l'observation. […] La vision et ses effets sont à jamais solidaires des potentialités d'un sujet observateur, tout à la fois produit historique et lieu de certaines pratiques, techniques, institutions et procédures de subjectivation. […] observare signifie " se conformer à, respecter" : ainsi dit-on "observer" des règles, des codes, des consignes, des usages. Bien qu'il soit à l'évidence une personne qui voit, un observateur est par-dessus tout une personne qui voit dans le cadre d'un ensemble prédéterminé de possibilités, une personne qui s'inscrit dans un système de conventions et de limitations. (Et par "conventions", j'entends indiquer tout autre chose que des pratiques de représentations.) Si l'on peut dire qu'il existe un observateur propre au XIXème siècle, comme à n'importe quelle autre époque, c'est seulement en tant qu'effet d'un système irréductiblement hétérogène de rapports discursifs, sociaux, technologiques et institutionnels. A ce champ en mutation constante ne préexiste pas de sujet observateur. » (Crairy, p. 33) | « Il me parait intéressant d'étudier comment les concepts de vision subjective et d'observateur productif ne se sont pas contentés d'envahir les domaines artistiques et littéraire, mais ont également nourri les discours philosophique, scientifique et technologique. Au lieu d'accentuer la séparation entre l'art et la science […] mieux vaut souligner leur commune appartenance à un champ unique où s'entremêlent le savoir et l'expérience » (Crairy, p. 38) | « Quand le continuum corps-monde n’est pas rompu, un compte rendu d’où l’un commence et d’où l’autre finit ne fait simplement pas sens. Si tout est mouvement, si tout est processus, les pieds et le sol en co-composition, comme la peau et l’air, la vision et le vent, le son et la profondeur, comment sélectionner un corps, une expérience, un objet ? » (Manning, p. 224) | « Au XVIIe siècle, la peinture et la couleur étaient conçues comme un danger pour la causa mentale des défenseurs du dess(e)in […] lutte entre les poussinistes et les rubénistes […] c’est sur le statut du plaisir que le débat s’engage [...] Le risque de la couleur est de nous écarter de la fonction représentationnelle ; mais paradoxalement, la ressemblance au réelle est beaucoup plus du côté de la couleur que du côté du dessin […] Comment parler de ce qui est sensible, purement matériel, donc de ce qui échappe à toute distinction et classification, de ce qui relève du silence ? » (Lichtenstein, 2013) | « La figure se promène avec le socle dans l'armature […] détruire la netteté par la netteté » (Deleuze, 1994, pp. 9-12) | "Colors, he says to the screen's black lattice. / The screen breathes mint. / She complaints I turn colors in my sleep, Day says. / Something understands, breathes the screen, surely. / Knees sore, Day jangles pockets with his hands. So many coins. […] The brushstrokes of the best-dreamt work, too, are visible as rhythms. This day’s painting discloses its rhythms against a terrain in which light is susceptible to the influences of the wind. This is a wind that blows hard and inconstant across the school’s campus, whistles against the De Chirico belltower from which it has scoured all shadow. This is a terrain in which there are alternating lulls and gusts of light. In which open spaces flash like diseased nerves and bent trees hang with a viscous aura that settles to set the grass on willemite fire, in which windows of light pile up against fencebottoms, walls, and undulate and glow. The belltower’s sharp edges shiver gusts into spectra. Tall boys in blazers move knifelike through a parting shine with sketchbooks held eye-level; their shadows flee before them. The scintillant winds lull and gather, seem to coil, then brawl and whistle and strobe and strike to break faint pink through the Hall of Art’s rose window. Day’s sketched notes light up. On the machinelit screens at the front, two slides of the same thing project the frail and palmate shadow of the art professor at the podium, a dry old Jesuit hissing his s’s into the illwired mike, reading a lecture to a hall half full of boys. His shadow is insectile against Vermeer’s colored Delft as he feels at his eyes. […] The small white planet on a stalk Day sees is a dandelion gone to seed." (Wallace, Church Not Made With Hands, 1999) | « Tout me penche - En avant où nulle ombre ne porte le poids - de ce que je suis » (Laugier, Vertébral, 2002) | « Le jaune est à la fois la couleur des trompeurs et des trompés » (Pastoureau, 2013) | gradation ; soustraction ; intervalles de couleurs et transformations, intersections ; illusion 3d ; étude quantitative ; pellicule, simplicité ; image rémanente ; vibration des frontières (Albers, 1963) | « La couleur n’exclut certainement pas le grand dessin, celui de Véronèse, par exemple, qui procède surtout par l’ensemble et les masses ; mais bien le dessin du détail, le contour du petit morceau, où la touche mangera toujours la ligne. L’amour de l’air, le choix des sujets à mouvement, veulent l’usage des lignes flottantes et noyées. Les dessinateurs exclusifs agissent selon un procédé inverse et pourtant analogue. Attentifs à suivre et à surprendre la ligne dans ses ondulations les plus secrètes, ils n’ont pas le temps de voir l’air et la lumière, c’est-à-dire leurs effets, et s’efforcent même de ne pas les voir, pour ne pas nuire au principe de leur école. On peut donc être à la fois coloriste et dessinateur, mais dans un certain sens. De même qu’un dessinateur peut être coloriste par les grandes masses, de même un coloriste peut être dessinateur par une logique complète de l’ensemble des lignes ; mais l’une de ces qualités absorbe toujours le détail de l’autre. Les coloristes dessinent comme la nature ; leurs figures sont naturellement délimitées par la lutte harmonieuse des masses colorées. Les purs dessinateurs sont des philosophes et des abstracteurs de quintessence. Les coloristes sont des poètes épiques. » (Baudelaire, pp. 79-80) | « En grande partie, le langage de la presse écrite et parlée est exprimé en termes de dynamiques physiques : le dollar en chute libre, le Liban en tant que terrain glissant et l'Iran qui envoie des marées humaines droit vers l'invasion de l'armée irakienne. J’ai donc commencé à danser l'actualité. Parler et danser, devenir les navires, les terres, les gens, les stratégies, les liaisons. C'était un exercice qui m'aidait à me souvenir des détails et des généralités des actualités. Et en même temps que je les vivais dans mon corps, je me rendais compte comment cela prenait forme dans mon esprit, dans mon imagination, dans mes sensations. » (Forti, p. 217) | « La couleur d'un objet éclairé participe de la couleur du corps qui l'éclaire (Wittgenstein) » (Jarman, p. 139) | « "contretypages" ou relevés des teintes des façades, des grillages, surfaces, qui forment le paysage […] (élargissement de) la problématique initiale de l’orientation à celle de l’identité. La couleur forme un indice sensible et marquant de l’identité d’un territoire. […] patients et professionnels ont commencé à regarder le site autrement » (Coirié, p. 100) | « L'éphémère est dans le monde et la trajectoire humaine ne s'inscrit que dans l'instabilité générale du milieu. » (Louppe, p. 176) | « Les problèmes de couleurs sont d'abord des problèmes de société. » (Pastoureau) | « Quitter un lieu ou une situation sans entre dans d'autres territoires. Laisser un nom ou une identité sans en prendre d'autres. [...] Pardonnez-leur. Ils oublient qu'ils mangent (qui ils mangent) les fruits des arbres, des abeilles et du soleil, de la terre et de l'eau » (Agamben) | « Une action est l'association d'éléments de familles différentes en une constellation - La forme d'une constellation s'appelle une action […] Le temps forme la forme […] La signification est (et) la représentation […] La question soulève un discours » (Tarkos, pp. 180-191) | « Comment montrer sans les trahir, les choses simples dessinées entre le crépuscule et le ciel ? » (Char, De moment en moment, p. 803) | « La démocratie va-t-elle de pair avec la décoloration ? […] Au cœur du confusionnisme chromatique qui semble à la dérive, trois fonctions de couleurs se dégagent : la signalisation, l'euphorisation et l'évocation de la nature absente. » (Fischer, 2019, p.387 & p. 399) | « Littérature et politique (et plus généralement, tout ce qui relève de la pensée) sont […] affaires de collectifs, c’est-à-dire d’ensembles articulés d’individus qui s’organisent sans renoncer à leur individualité. Ce qui importe, dans la création c’est la différence : c’est toujours d’un écart que nait la signification nouvelle. » (Vinclair, p. 163) | « Mais attention aux mots, car s’ils ne communiquent pas avec de nouvelles questions pratiques, avec un processus de déterritorialisation effectif au sens de Deleuze et Guattari, ils nous anesthésieront. » (Stengers, 2004, p. 59) | « |…] Du rouge au vert tout le jaune se meurt / Paris Vancouver Hyères Maintenon New-York et les Antilles / La fenêtre s’ouvre comme une orange / Le beau fruit de la lumière » (Guillaume Apollinaire, « Les Fenêtres », Ondes, Calligrammes, 1918) | « C’est la soumission de la ligne au point qui constitue l’arborescence. […] Un point est toujours d’origine. Mais une ligne de devenir n’a ni début ni fin, ni départ ni arrivée, ni origine ni destination ; et parler d’absence d’origine, ériger l’absence d’origine en origine, est un mauvais jeu de mots. Une ligne de devenir a seulement un milieu. Le milieu n’est pas une moyenne, c’est un accéléré, c’est la vitesse absolue du mouvement. Un devenir est toujours au milieu, on ne peut le prendre qu’au milieu. Un devenir n’est ni un ni deux, ni rapport des deux, mais entre-deux, frontière ou ligne de fuite, de chute, perpendiculaire aux deux. […] Le devenir est le mouvement par lequel la ligne se libère du point, et rend les points indiscernables […] » (Deleuze et Guattari, pp. 359-360) | « (le plus-que) est là quand elle (Blackman) parle du défi de se mouvoir dans un monde qui refuse de se stabiliser en un lieu où objets et sujets seraient clairement différenciés. Il est là quand elle écrit sur la mémoire, articulant la différence entre une sorte de mémoire expérientielle sentie dans le mouvement et une mémoire linguistique arrivée pour raconter. Partout, l’expérience de Blackman est une expérience du porter, qui privilégie l’expérience sentie de la relation émergente. Pour elle son corps est un transport, un champ relationnel qui incorpore l’environnement dans sa métamorphose infinie. […] Un faire-monde. » (Manning, p. 208) | « Désir de voir inséparable du désir de dire, pas seulement le "sujet", le "disegno", le dessin, ce qui d'emblée vient à la rencontre du langage, est "de la même famille". Mais aussi ce qui lui résiste en lumière, en matière, en couleur, étalement, débordement. Cela s'est noué ainsi dans la "culture", bien avant moi, bien avant que je m'y découvre pris, pris à ma façon singulière, avec mes propres obsessions, mes zones de cécité, de dévoilement. "Ecoute-voir" dit le langage familier. "regarde-dire" me semble aussi un bon chemin. Essayons… » (Jenny, p.34) | « Je suis méfiant vis-à-vis de l’opposition exclusive réel vs fiction (…) Je serais d’ailleurs plus à l’aise avec l’idée selon laquelle nous inventons des réalités et nous nous donnons les moyens fictionnels de vérifier leurs existences […] Il existe des œuvres objectales qui sont en fait des objets performatifs (cf. bâton d’André Cadere) Ce sont des objets déduits de situations humaines vraiment particulières – tels des objets témoins – peuvent être montrés dans différents contexte. En définitive, l’art contextuel ne s’oppose pas systématiquement à l’idée d’objet. […] différence essentielle : l’artiste qui tente de sculpter l’ensemble d’un scénario sensible et intelligible ne joue pas au même jeu que celui qui focalise sur une forme ou un médium au point d’en oublier la réalité humaine qui s’ensuit. » (Cornu, pp. 10-15) | « je n’ai jamais prié. Mais c’est justement parce qu’elle a su avoir une prise sur ce qui existe (en ce sens donc elle est vraie) que la rationalité naturaliste a ouvert le chemin pour tout saccager. Nous pouvons en être les disciples, il faut maintenant pourtant apprendre à la critiquer. A nous battre contre elle, à l’amender. A faire revenir par la fenêtre la ribambelle de créatures poussées par la porte. » (Vinclair, p. 215) | « Le socius désigne une corporéité pré- et trans-individuelle (et non inter-individuelle) dont les modes de coordination dessinent les pôles d’une relation dans laquelle des modes opératoires s’élaborent, des choix se forment avant que n’apparaisse un individu en tant que tel. Explorations, accroches, approches, réglages de distances répétés et variés ont lieu là, qui n’appartiennent à personne, et qui forment la matière de ‘’l’entre’’, pour reprendre l’expression employée par Deligny. De ce milieu qui, après sa naissance, l’a mis au monde, l’individu, dit Wallon, ne se sépare jamais totalement. Il lui est aliéné sa vie durant sous la forme de ce qu’il nomme ‘’l’alter’’ : ‘’le fantôme d’autrui que chacun porte en soi’’. » (Perret, p. 149) | « Nous nous adressons aux inconscients qui protestent. Nous cherchons des alliés. Nous avons besoin d’alliés. Et nous avons l’impression que ces alliés sont déjà là ; qu’ils ne nous ont pas attendus, qu’il y a beaucoup de gens qui en ont assez, qui pensent, sentent et travaillent dans des directions analogues : pas question de mode, mais d’un ‘’air du temps’’ plus profond, où des recherches convergentes se font dans des domaines très divers. » Deleuze cité par Suely Rolnik (Rolnik, p. 21) | « […] sa propre pratique d’écriture (de Deligny), quasiment compulsive, interroge le clivage conceptuel qu’il creuse entre tracer et écrire. Dans les écrits les plus tardifs, sa réflexion sur le repérer dérive en interrogation sur la ‘’frange obscure’’ entre tracer et écrire, sur le tracé qui préluderait à l’écriture, […] ou encore sur la possibilité qu’aurait éventuellement l’écriture ‘’d’emprunter’’ quelque chose au tracer. ‘’Avec le tracé on revient aux origines de la parole […]’’ » (Perret, p. 346) | « Le climat a un motif, mais que se trouve continuellement enchevêtré dans les multiples alternances de l’environnement – le jour et la nuit, le soleil et la lune, les vents et les marées, la croissance et le déclin des végétaux, ainsi que le mouvement des animaux migrateurs. Les hommes qui tiraient leur substance du travail de la terre et de la mer, devaient se montrer attentifs à ces alternances […] comme l’observe le sociologue de l’environnement Bronislaw Szerszinski, le climat est une expérience temporelle perçue non pas de manière chronologique mais de manière kairologique : c’est-à dire qu’elle ne s’inscrit pas dans une succession d’évènements, mais dans un acclimatement à l’attention à donner aux rapports de rythme. » (Ingold, 2017, p. 227)

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